Comment piloter la ferti-irrigation d'un V.I.E. ?

La ferti-irrigation, une technique particulièrement adaptée au V.I.E.

Il s’avère intéressant de combiner les notions d’irrigation et fertilisation dans un vignoble innovant et écologiquement intensif. Cette approche nommée ferti-irrigation (ou irrigation fertilisante ou fertigation) est une pratique permettant d’appliquer de l’engrais à sa culture par le biais d’un système d’irrigation. L’eau et l’engrais sont donc apportés simultanément dans la culture.

Les facteurs eau et les fertilisants tels que l’azote, le phosphore et le potassium jouent un rôle clé dans l’établissement du rendement. L’azote a une incidence directe positive sur la croissance et le rendement, et peut aussi impacter le potentiel aromatique des raisins (une carence en azote diminue le potentiel aromatique thiols des raisins). Le potassium intervient dans la synthèse des sucres et leur migration vers les baies. Le phosphore joue un rôle essentiel dans le développement végétatif de la vigne. Il est en effet impliqué dans le métabolisme énergétique puisque les phosphates sont capables de recevoir et de transporter l’énergie lumineuse captée par les feuilles.

Si l’irrigation et la fertilisation favorisent l’atteinte du rendement potentiel, la ferti-irrigation optimise le processus dans sa globalité. En effet un élément minéral ne peut être absorbé qu’en présence d’eau, la ferti-irrigation permet donc un apport de fertilisants directement assimilables par la plante. Cette technique offre la possibilité de fractionner les apports et de les réaliser au moment le plus opportun. Le moment et la zone à cibler sont atteints avec une plus grande précision grâce à cette technique. De plus, la ferti-irrigation peut être utilisée dans pour corriger ou optimiser un élément donné.

 

Une bonne gestion de la ferti-irrigation garantie une approche plus efficiente de la fertilisation (chaque unité utilisée est mieux mobilisée par la plante), tout en assurant un rendement élevé. Pour ces raisons la conduite de V.I.E. intègre la ferti-irrigation en goutte-à-goutte.

 

Quels outils pour optimiser la ferti-irrigation ?

Pour déclencher la ferti-irrigation au moment opportun, il faut pouvoir caractériser le statut hydrique de la vigne ainsi que son état en matière de nutrition minérale.

Lorsque l’on fertilise, on entretient la plante mais également le sol. Il est donc important de connaître l’état de la plante mais également celui de son sol (état structural, état organique, état acido-basique…), en tenant compte de ses limites, notamment dans le cadre d’objectifs de production importants comme c’est le cas pour les V.I.E. Il s’agit des points clés à maîtriser avant d’engager la réflexion pour la fertilisation. L’écoresponsabilité et la durabilité sont au cœur de la démarche V.I.E., c’est pourquoi il ne faut pas perdre de vue le fait que la vigne est une plante rustique qui a peu de besoins (voir figure 1). Il est indispensable de limiter les besoins en eau et fertilisants de la vigne en maintenant une bonne fertilité et structure du sol via un itinéraire technique adapté et en recyclant les éléments présents dans les horizons superficiels.

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V.I.E. - Piloter sa ferti-irrigation - Table 1 : Besoins de la vigne

 

Différents diagnostics permettent une gestion précise de la ferti-irrigation :

  • le diagnostic visuel au niveau du sol par la réalisation de fosses pédologiques afin d’estimer, par exemple, la profondeur exploitable par les racines, la nature et l’épaisseur des différents horizons
  • le diagnostic visuel au niveau de la plante. On peut s’intéresser à la vigueur, au potentiel de production (analyse des sarments pour les réserves) et à la reconnaissance des symptômes de carence ou de toxicité
  • les analyses de terre. Elles permettent d’estimer les réserves organiques et minérales du sol lorsqu’elles sont réalisées dans de bonnes conditions. Pour qu’une analyse soit interprétable, les prélèvements doivent être réalisés avec une extrême rigueur, en évitant d’associer des échantillons provenant de sols ou d’horizons différents. Les variabilités verticales (profondeur) et horizontales (cavaillon, inter-rang) sont importantes, ce qui limite la précision. Lorsqu’une parcelle est très hétérogène, il vaut mieux limiter les prélèvements à la zone la plus représentative.
  • les diagnostics foliaires. Ils visent à déterminer le niveau de nutrition de la vigne. Cette technique permet d’intégrer les différents facteurs qui influencent l’alimentation de la plante (cépage, porte-greffe…). Le diagnostic peut s’appliquer au limbe, au pétiole ou à l’ensemble de la feuille. Ce choix dépend des éléments analysés et des références régionales. Cet outil n’est pas très répandu chez les viticulteurs, mais au vu de l’intérêt qu’il procure, son usage mériterait d’être développé.
  • Toutes les mesures sur les raisins : azote, potassium, acidité (indicateur secondaire de la maturité), polyphénols (indicateurs de stress)

Quelles stratégies de fertilisation adopter ?

A savoir :

1/ Les apports d’eau constituent en levier supplémentaire dans l’atteinte du rendement potentiel attendu

2/ Coupler les apports d’eau à de la fertilisation tout au long de l’année permet d’économiser en moyenne 30% de fertilisant en comparaison à une stratégie mixte alliant fertilisation minérale au sol et ferti-irrigation

3/ La ferti-irrigation augmente la quantité d’azote dans les baies de raisin à la récolte de façon significative (+30 à 45%) par rapport à une fertilisation au sol.

Exemple d’un programme sur sol limono-argilo sableux – Vignes adultes :

V.I.E. - Piloter sa ferti-irrigation - Table 2 : Exemple d'un programme sur sol limono-argilo-sableux

 

Règle : L’apport de fertilisants par irrigation doit être réalisé en cours d’irrigation. Il faut toujours prévoir d’humecter le sol avant la fertilisation et d’arrêter celle-ci avant l’arrêt de l’irrigation pour permettre l’apport complet et le nettoyage des tuyaux.

Remarque : Avant d’assoir son programme définitif de fertilisation, il est recommandé de réaliser des mesures de reliquat azoté 15j après le débourrement pour connaître les réserves de son sol.

/!\ ATTENTION : Ne jamais négliger la matière organique des sols : utiliser la seule ferti-irrigation pour piloter l’alimentation de la plante favoriserait au fil du temps l’appauvrissement des sols avec un risque fort de ne plus retenir les éléments nutritifs. Il est indispensable de prévoir un programme d’enrichissement en MO de ses sols à travers la mise en place d’engrais verts et/ou d’une fertilisation organique. La matière organique est nécessaire pour rééquilibrer les sols et assurer la bonne minéralisation des éléments et leur assimilation. Un apport annuel est conseillé.

 

Bilan : la ferti-irrigation, un outil complémentaire à raisonner :

La ferti-irrigation est un outil complémentaire de gestion de la fertilisation avec plusieurs points d’intérêt : il s’agit d’un outil avantageux, particulièrement pour les régions sèches, qui permet d’améliorer l’efficience de la fertilisation grâce au pilotage de précision qu’elle offre (fractionnement des apports, moment de l’apport, apports de correction ou optimisation) et de réduire les intrants. En outre cette technique permet des apports tardifs qui peuvent être complémentaires, voire qui peuvent remplacer les apports foliaires pour optimiser le moût (dans le cadre d’une recherche de thiols variétaux).

 

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