Les infrastructures agroecologiques, partie intégrante du V.I.E.

De manière à s’inscrire durablement dans le temps, le V.I.E. intègre dans sa stratégie d’exploitation un volet agroécologie. L’agroécologie est une approche systémique qui vise la mise en place d’infrastructures pour utiliser les fonctionnalités offertes par l’écosystème et diminuer les pressions sur l’environnement. L’objectif de cette approche pérenne au sein d’un V.I.E. est ainsi de préserver la biodiversité et les ressources naturelles pour une vigne en bonne santé.

Quels sont les objectifs en termes de matière organique pour une parcelle V.I.E. ?

Une parcelle V.I.E. a des besoins azotés de l’ordre de 70 à 100 kg d’azote/ha/an, partiellement fournis par la minéralisation de la matière organique du sol. Il est donc important que le sol ne s’appauvrisse pas en matière organique, afin qu’il produise de manière durable les éléments pour le bon fonctionnement de la vigne.

Le complément nécessaire est apporté via des apports azotés (engrais organique, engrais minéral) au sol et de la fertirrigation avec de l’azote minéral, en fonction des besoins en cours de campagne.

Dans le cadre de son fonctionnement, le sol d’une parcelle viticole s’appauvrit naturellement en matière organique via les mécanismes de minéralisation de l’azote. Ces pertes peuvent être compensées par différents moyens :

  • apports exogènes,
  • restitution des bois de taille à la parcelle,
  • couverts végétaux (enherbement, engrais verts)

Il faut donc connaître l’état de son sol et choisir en conséquence le type d’apport à effectuer.

Rappel : On parle des matières organiques du sol (MOS), dans la mesure où elles sont de nature et d’origine multiples et sont présentes sous différents états dans le sol. Elles sont composées des éléments exogènes apportés, des résidus animaux et végétaux, qui représentent du carbone minéralisable plus ou moins rapidement, de la macrofaune et la biomasse microbienne du sol, eux-mêmes MOS, qui décomposent ces éléments. Une partie de ces matières décomposées constituent la matière organique liée (humus stable), et une autre partie constitue la matière organique libre qui est la source primaire de minéralisation.

Comment appréhender son analyse de sol ?

Les analyses physico-chimiques du sol permettent d’établir un diagnostic, sur la base de plusieurs critères, dont le taux de matière organique (MO).

Il faut donc comparer le taux de MO mesuré à des références régionales en fonction du type de sol.

Des indicateurs comme le rapport C/N, la biomasse microbienne et le fractionnement granulométrique viennent en complément pour affiner le diagnostic.

Il est à noter que même pour un taux de matière organique dans les normes (compris entre 0.5 et 2% voire 2.5%, sachant que moins de 1% peut être problématique), la gestion de la matière organique du sol est indispensable pour compenser les pertes naturelles dues à la minéralisation. Il faut donc comprendre si on a un taux acceptable qu’on va chercher à entretenir, ou si on a un taux faible ou déficitaire, auquel cas la stratégie devra intégrer des apports plus conséquents de redressement de ce taux.

Des analyses complémentaires ciblées sur le type de matières organiques permettent de connaître la répartition entre MO stable et MO liée et leurs rapports C/N respectifs. Elles évaluent aussi la biomasse microbienne, et permettent ainsi d’affiner le choix du type d’apport organique en fonction des besoins.

  • La matière organique libre (particules entre 50 et 2000 micromètres de diamètre) participe à la fertilité du sol en « nourrissant » la biomasse microbienne qui, elle-même, participe à la nutrition des plantes en azote, phosphore…
  • La matière organique liée aux argiles et limons (taille des particules inférieure à 50 micromètres) constitue l’humus stable aux fonctions structurantes et de complexation de certains composés, et qui participe à la CEC du sol et à la séquestration du carbone.

Ces indicateurs doivent être utilisés conjointement aux observations à la parcelle comme la structure du sol (phénomène de battance, de ruissellement et d’érosion, d’hydromorphie…) et la vigueur de la vigne.

Quels sont les types d’amendements disponibles ?

Un amendement organique répond à la norme NFU 44-051 qui spécifie les points suivants : teneurs individuelles en éléments majeurs N, P, K inférieures à 3% ; teneur totale en N, P, K inférieure à 7% ; taux de matière sèche supérieur à 30%. Parmi les amendements organiques, on retrouve ainsi les composts de déchets verts, fumiers compostés, amendements organiques élaborés du commerce.

Une représentation schématique des différents types de matières organiques est disponible dans la Figure 1.

Figure 1 - Matières organiques et déficit du sol / Source : Celesta Lab
Figure 1 : Matières organiques et déficit du sol / Source : Celesta Lab
  • Plus l’ISMO de l’amendement est élevé, par exemple les composts végétaux (ISMO>70%), plus cet apport contribuera à augmenter le stock de matière organique liée (humus stable).
  • A contrario, plus l’ISMO est faible, plus la matière sera rapidement minéralisée en n’étant que peu fixée dans le sol. On parle dans ce cas de matières organiques fraîches. C’est par exemple le cas des lisiers, vinasses, couverts végétaux. On peut dire que ce type d’apport fournit de l’azote disponible pour la plante à court terme, dans les limites de la quantité d’azote contenue dans le produit ou le couvert végétal, et de son C/N.
  • Intermédiaires, les sarments, issus de bois de l’année, ont un ISMO autour de 30 à 40%. Le fumier et le BRF sont autour de 50% (parfois plus). Ils peuvent contribuer, tout comme les sarments, à compenser un déficit en biomasse microbienne. En effet, la matière organique fraîche stimule la biomasse microbienne en lui donnant « à manger ». On notera que les couverts végétaux ont plus d’effet sur la biomasse microbienne que les amendements exogènes.

Outre les apports organiques cités ci-dessus, les produits élaborés issus du commerce fournissent une composition précise et les informations nécessaires dont l’ISMO. Leur approvisionnement, conditionnement et présentation (souvent en bouchons) est facilité, ils sont plus secs et la quantité de matière brute à apporter est donc moindre, ce qui peut faciliter la logistique. En contrepartie, leur coût peut être plus élevé. Il faut comparer les prix en se rapportant à la quantité de MO du produit qui sera stable dans le sol.

En conclusion, l’apport de matières à ISMO élevé et de matières à ISMO limité sont complémentaires. Les premières, qui vont se dégrader lentement, permettent d’augmenter le stock de carbone stable dans le sol, les secondes, plus riches en azote et en sucres (carbone facile à digérer), se dégradent plus rapidement et permettent de produire, via la minéralisation, des éléments nutritifs assimilables pour la culture.

L’enherbement permanent s’inscrit dans une stratégie de gestion différente d’un apport exogène. Il procure de nombreux avantages comme l’enrichissement progressif du sol en matière organique, par décomposition des parties aériennes coupées et des racines renouvelées, ou encore la structuration du sol grâce au tissu racinaire.

Ainsi, enherbement et amendements organiques sont complémentaires et peuvent être mis en œuvre sur les mêmes parcelles.

Comment calculer ses besoins et choisir le bon apport ?

On doit se poser la question de la quantité de matière organique à apporter, et bien comprendre le type de produit envisagé. Outre les couverts végétaux, on peut donc choisir d’apporter des amendements organiques. Dans ce cas, plusieurs critères de choix entrent en compte :

  • Son taux de matière organique total : c’est la quantité de matière organique que comprend l’amendement en question ;
  • Son indice ISMO : Indice de Stabilité des Matières Organiques, indicateur mis au point par l’INRAE, qui représente le pourcentage de matière organique qui donnera de la MO stable dans le sol, rapporté à son taux de matière organique total. Il correspond à son niveau de stabilisation par la biomasse microbienne. Plus l’ISMO est élevé, plus cela traduira une forte stabilité de l’amendement. On appréhende ainsi son potentiel humigène ;
  • Sa richesse en éléments minéraux ;
  • Sa facilité d’épandage ;
  • Son prix.

On calcule ensuite la dose à apporter en se basant sur le taux de matière organique et l’ISMO de l’amendement.

Figure 2 - Calcul des apports compensatoires
Figure 2 - Calcul des apports compensatoires

Dans le calcul de la dose à apporter, il faut penser à prendre en compte l’apport de matière organique lié aux bois de taille si ces derniers sont laissés au sol. Une calculatrice IFV est disponible pour aider à estimer la quantité d’amendement à apporter pour compenser les pertes annuelles :

Accédez à l'outil de calcul

Il s’agit ainsi d’équilibrer les pertes annuelles ainsi que le déficit éventuel en matière organique, avec des apports exogènes.

Quelle stratégie adopter pour une parcelle V.I.E. ?

On distingue la gestion avant plantation de la vigne, plus massive et plus simple à mettre en œuvre, avec des composts de déchets verts ou d’autres produits à ISMO élevés, afin d’augmenter le stock d’humus stable.

Pour des apports pendant la vie d’une parcelle V.I.E., entre novembre et février, les réponses diffèrent selon le taux de matière organique mesuré :

  • Pour un taux de MO acceptable : un entretien régulier avec apport d’amendements organiques pour compenser les pertes annuelles est adapté, avec par exemple des amendements élaborés du commerce, ou du compost de fumier jeune, en complément d’une restitution des bois de tailles. Voir la calculatrice IFV citée ci-dessus. Il n’est pas nécessaire de faire des apports tous les ans, l’opération étant assez lourde et générant des coûts. Une fréquence de tous les 4 ans est un bon compromis pour limiter les coûts.
  • Pour un taux de MO suffisant mais en limite basse : un entretien renforcé est nécessaire, avec des apports d’amendements élaborés du commerce, ou du fumier, complémentaires d’apports de composts végétaux qui ne se font pas plus de tous les 4 ans. La restitution des bois de taille reste systématique.
  • Pour un taux de MO déficitaire : un redressement sur vignes en place est nécessaire, il devra être effectué de manière progressive pour ne pas déstabiliser ou bloquer le fonctionnement du sol, et pour étaler le coût engendré. Il ne faut dans tous les cas pas découpler ce redressement progressif de l’entretien. On peut par exemple utiliser un compost de déchets verts (ISMO élevé) avec des apports séquencés (un an sur deux), ainsi qu’un amendement élaboré du commerce ou un engrais organique pour l’entretien régulier et la fourniture d’éléments minéraux à la culture. Comme précédemment, on maintient la restitution des bois de taille.

Dans tous les cas, ne pas oublier que l’enherbement est une source de matière organique importante, qui a également un effet bénéfique direct sur la structure du sol. Il doit être privilégié dans la limite de sa compatibilité avec les objectifs de production. De même, toujours dans la catégorie couverts végétaux, les engrais verts sont conçus pour être un amendement organique. Ils peuvent donc être envisagés à la place d’un apport exogène d’amendement, en répondant aux mêmes objectifs.

Conclusion : Dans le cadre du V.I.E. pour lequel on vise des parcelles à potentiel agronomique important, la restitution des bois de taille à la parcelle est un minimum, notamment car il est facile à mettre en place et peu coûteux. Les couverts végétaux sont aussi d’intérêt pour les sols à fort potentiel car ils ne seront que peu en concurrence avec la vigne en place. Pour les sols à plus faibles potentiels agronomiques, les couverts sont moins systématiques et demanderont plus de technicité et d’adaptabilité. Les apports exogènes organiques sont ainsi complémentaires de ces éléments. La statut organique d’une parcelle dépend ainsi d’un bon stock de carbone dans le sol, entretenu voire enrichi régulièrement par différents moyens.

CONTACT